Le végétal, une alternative d’avenir aux produits laitiers

Selon le baromètre des consommateurs 2020 du GEPV et de Protéines France, les boissons et les desserts sont respectivement en seconde et troisième place sur le podium des produits à base de protéines végétales les plus consommés par les consommateurs français. Il s’agit le plus souvent de produits alternatifs à des produits laitiers que sont les laits, yaourts, crèmes ou fromages. Ces produits, de plus en plus diversifiés, affichent généralement des atouts nutritionnels et environnementaux forts, mais ont des positionnements différents quant à leur rapport aux produits laitiers traditionnels. Protéines France fait le point sur ce segment du marché des protéines végétales avec son adhérent Triballat Noyal et avec Les Nouveaux Affineurs, Updatefoods et le groupe Bel.

De plus en plus de diversité dans les produits et les sources végétales

Les alternatives végétales aux produits laitiers se sont développées rapidement depuis les années 1980, marquées par une diversité de plus en plus grande. Elles reposaient d’abord essentiellement sur le soja. « En 1988, nous avons commercialisé les premiers desserts frais à base de soja » témoigne Gwénaële Joubrel, de Triballat Noyal, la maison-mère de Sojasun. « Le soja permettait d’avoir une couleur et un profil nutritionnel qui ressemblaient à ceux des produits laitiers, et il était produit localement en France. Nous avons pu commencer cette production en utilisant les mêmes technologies de fermentation que pour les produits laitiers. » Rapidement, les sources de protéines végétales se sont diversifiées. Sur le marché français, on voit en particulier depuis 2010 une explosion du nombre d’alternatives et d’ingrédients. La carte « Newdairy » élaborée par Olivia Fox Cabane recense ainsi quelques 35 sources végétales différentes sur le marché américain. Les plus développées sont sans surprise l’amande, l’avoine et le soja, puis le riz, la noisette et la noix de coco, mais aussi la noix de cajou, le pois et le sésame. On en trouve également de plus originales : banane, lotus, millet, algues ou courge. La startup française Updatefoods, créée en septembre 2020, a ainsi choisi de développer un produit végétal à partir de microalgues et de fèves, pour leurs propriétés nutritionnelles, gustatives et fonctionnelles qui permet d’obtenir une texture et un goût similaires au lait de vache.

Outre les sources de protéines végétales, c’est également la typologie des produits qui s’est diversifiée. A côté des produits alternatifs aux laits d’origine animale s’est développée une large gamme d’alternatives aux yaourts et aux crèmes desserts. Mais il y avait peu d’offres dans le rayon fromagerie : « Quand j’ai créé Les Nouveaux Affineurs, en 2017, il n’existait pas d’alternative végétale aux fromages satisfaisantes à la fois au niveau du goût et de la composition » explique Nour Akbaraly, le fondateur. « On trouvait seulement des produits ultra-transformés avec texturants, aromes et amidon, pour remplacer le fromage dans les plats à réchauffer ou à cuisiner, qui étaient assez pauvres d’un point de vue gustatif et nutritionnel. » Aujourd’hui, cette startup commercialise des alternatives aux fromages, frais ou affinés, fabriqués grâce à une maîtrise de la fermentation et de l’affinage. Les ingrédients sont naturels, bio et peu nombreux : noix de cajou, soja, ferments, eau et sel. Leurs cinq produits hauts de gamme sont vendus dans certaines épiceries fines et chez des spécialistes bio. La startup ambitionne de prendre le leadership de ce marché.

 

Un engagement fort en faveur de l’écologie et de la santé, moteurs du développement de ce marché

Les facteurs qui poussent le consommateur à opter pour ces alternatives végétales sont nombreux et complémentaires. Il y a bien sûr les allergies et intolérances soulevées par les produits laitiers : selon ProVeg, l’intolérance au lactose concerne 75 % de la population adulte dans le monde et l’allergie au lait de vache est l’allergie alimentaire la plus commune chez les nourrissons et les enfants. En France, l’intolérance au lactose concernerait 30 à 50 % de la population française selon le site officiel Ameli. Mais ces intolérances sont loin d’être le seul moteur de la consommation des alternatives végétales aux produits laitiers. « La proportion d’intolérants au lactose n’est pas amenée à augmenter dans le temps » souligne Gwenaële Joubrel. « En revanche, de plus en plus de consommateurs sont convaincus de l’intérêt de ces produits pour la santé et pour l’environnement. » C’est le constat dressé par le baromètre consommateurs 2020 du GEPV et de Protéines France : pour la première fois, les protéines végétales sont perçues comme étant de « meilleure qualité que les protéines animales » d’un point de vue environnemental (60 %) et pour la santé (53 %). « Nous devons accompagner les consommateurs dans cette transition alimentaire en leur offrant de la variété » estime Delphine Chatelin, Directrice Recherche et Innovation de Bel. Le groupe vient de lancer Boursin 100% végétal aux Etats-Unis. La Vache Qui Rit hybride sera commercialisée au 1er trimestre 2021, suivi de MiniBabybel plant based. « A terme, nous ambitionnons d’avoir 50% du portefeuille de Bel sur le fruit et le végétal. »

Les entreprises développant des alternatives aux produits laitiers ont d’ailleurs un positionnement très affirmé sur ces deux sujets de la santé et de l’environnement. Chez Triballat Noyal, ce sont les avantages nutritionnels du chanvre (en particulier la présence d’oméga 3) et les atouts agronomiques de sa culture en France qui ont conduit à choisir cette ressource pour la production de boissons et de desserts à partir de 2011 en complément aux produits à base de soja développés jusqu’alors. Même type de raisonnement chez Les Nouveaux Affineurs : « Dans notre gamme de produits frais, nous avons 2 fois moins de graisses, 10 fois moins de graisses saturées et au moins 2 fois plus de calcium que les produits laitiers comparables. » affirme Nour Akbaraly. « D’un point de vue environnemental, en tenant compte de l’importation des noix de cajou, nous arrivons à réduire de 85 % les émissions de gaz à effet de serre. »

 

Des caractéristiques similaires aux produits laitiers, ou des différences assumées ?

Au-delà de cet engagement commun pour l’environnement et la santé, les entreprises développant des alternatives végétales aux produits laitiers ont cependant des positionnements différents quant à leur rapport aux produits laitiers traditionnels. Certains ont fait le choix de rechercher les caractéristiques les plus proches des produits laitiers traditionnels en termes de goût et d’apparence. C’est le cas d’Updatefoods : « Les boissons végétales actuellement sur le marché sont très bonnes, mais elles s’éloignent beaucoup du lait traditionnel en termes de goût et de texture : cela peut représenter une barrière pour certains profils de consommateurs » note Clémence Landeau, la fondatrice et CEO de cette startup. Cela représente un défi technique car les protéines végétales ont des propriétés fonctionnelles très différentes (gélification, solubilité, émulsification, élasticité…), ce qui impacte fortement la texture des produits. D’autre préfèrent assumer les différences, comme chez Triballat Noyal : « Dès l’origine, notre but était de respecter le goût propre au soja et de ne pas chercher à copier le lait, tout en restant sur une alternative bien identifiée par le consommateur » explique Gwénaële Joubrel. « Nos produits ne sont pas des substituts mais des aliments dont les atouts nutritionnels sont complémentaires de ceux des produits laitiers. » L’entreprise s’est ainsi refusée à enrichir ses produits de vitamine B12, mais met en avant les apports nutritionnels complémentaires du soja et du chanvre. Même positionnement chez les Nouveaux Affineurs : « Notre objectif n’est pas de copier exactement un camembert ou un autre fromage, mais de compléter les références de fromage existantes, avec des produits tout aussi exigeants en termes de goût ».

La question de la différence assumée ou non avec les produits laitiers traditionnels se retrouve également dans le débat sur la dénomination de ces produits. Le Parlement européen a ainsi adopté, en octobre 2020, un amendement restreignant fortement les possibilités de dénommer les produits végétaux. Si cette mesure était définitivement adoptée, elle empêcherait l’utilisation de termes comme « alternative au yaourt », les termes « yaourt », « fromage » et « crèmes » étant déjà interdits par ailleurs. « On peut regretter cette interdiction, qui vient durcir encore le cadre juridique applicable. Ces appellations ne trompent pas les consommateurs, mais les aident à se repérer dans les différentes gammes de produits. » estime Clémence Landeau. « On peut anticiper une évolution des images de marque à la suite de cette réglementation, mais cela ne va pas pour autant freiner le développement de ces produits, qui restera très dynamique. »